Mon père, Monseigneur

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Dans cet article, j’aimerais aborder deux titres qui semblent heurter certains catholiques, dont certains évêques: père et monseigneur. Pourquoi accorde-t-on certains titres pompeux à des ecclésiastiques, alors que Jésus nous l’interdit? Cette fois-ci encore, nous partirons de la vidéo du frère Untel pour dialoguer. Selon moi, le problème et la solution résident davantage en l’attitude que chacun peut avoir envers les titres que dans la nature des titres.

Monseigneur

Sorti de son contexte intra-biblique, cet avertissement du Seigneur ressemble en effet à une interdiction. Mais dans quel contexte cet avertissement nous est-il servi, et concerne-t-il tout le monde et tous les pères?

Les scribes et les pharisiens

Au chapitre 23 de l’évangile selon Matthieu, Jésus fait des reproches aux scribes et aux pharisiens. Les scribes sont des experts de la Torah, la Bible des juifs. Ce sont eux qui copient les rouleaux. Ils travaillent dans des «classes» où des «maîtres» enseignent le sens des textes qu’ils recopient. Un scribe qui ne saurait transcrire sans fautes un texte ne ferait pas une longue carrière: plus d’une erreur par rouleaux leur vaudrait d’être congédié. Les Juifs ne badinent pas avec la Parole de Dieu!

Quant aux pharisiens, ils font partie d’un courant théologique du judaïsme. Ils croient en la radicalité de la loi et des prescriptions. Ils croient que s’ils plaisent à Dieu en faisant tout ce qu’il demande, ils obtiendront le salut promis, l’avènement du Messie qui les délivrera de l’oppresseur. Il y a de bonnes raisons de croire que Jésus fût de ce courant. Comment donc alors un pharisien condamnerait-il d’autres pharisiens? Tout simplement parce que pour Jésus, les apparences ne comptent pas. L’oppresseur duquel le Messie nous délivre, ce n’est pas l’Empire Romain : c’est le Malin qui contamine notre coeur jusqu’à le faire pourrir complètement. Que les boudins et les franges sur leur manteau soient de la bonne longueur ou non ne changera rien. Ce qui compte, c’est le coeur.

L’orgueil

Ce qui plaît véritablement au Seigneur, c’est un coeur humble qui cherche à faire la volonté de Dieu et qui reconnaît ses fautes. Au chapitre 23 de l’évangile selon Matthieu, Jésus condamne ceux qui exigent beaucoup des autres et qui veulent avoir l’air parfaits. Il veut stimuler l’humilité de ceux qui l’entendent. Jésus est dur envers les orgueilleux. «Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé» (Mt 23, 11-12).

Jésus recommande donc à ses disciples de ne pas accepter de titres honorifiques car ils risqueraient de s’en enorgueillir : «Pour vous, ne vous faites pas appeler «Rabbi»: car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes frères. Ne vous faites pas non plus appeler «Directeurs»: car vous n’avez qu’un seul Directeur, le Christ» (Mt 23, 8.10). Pourtant, Jésus lui-même acceptait de se faire appeler Rabbi, Maître, Seigneur. Il l’était vraiment, il n’y avait pas d’équivoque. Mais ceux qui acceptent un tel titre devraient se montrer à la hauteur, au risque de tomber de haut!

Père

«N’appelez personne sur la terre votre «père», car vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste.»

Bible de Jérusalem, Mt 23, 9

Le titre Abba était aussi un titre honorifique donné à des personnes importantes. Selon moi, un des plus grands enseignements de Jésus est celui à l’effet que Dieu, l’Éternel, le Créateur de l’univers, qui peut nous sembler si loin dans le fond du cosmos et si Grand, si Puissant qu’on se sent tout petit devant Lui, eh bien ce Dieu, il est notre Papa. Il nous aime comme un père aime son fils, comme une mère aime son enfant. (cf. Is 49, 15-16). Voilà ce que signifie être un papa: aimer comme Dieu aime sa Création. De tout son coeur. De tout son être.

Jésus interdit-il à un papa de se faire appeler papa? Je ne le crois pas. La filiation est importante pour les juifs et les chrétiens. Quand un enfant appelle son père «papa», il reconnaît l’influence de cet homme. C’est le père qui lui a donné la vie. Pour ma part, j’appellerai toujours mon père «Papa» à cause du lien très fort qui nous unit. Mon père m’a aimé de tout son coeur. Il a pris du temps avec moi. Il s’est inquiété pour moi. Quand je l’appelle affectueusement «Papa», c’est tout cela que je lui dis. Mon «papa» signifie à la fois «Merci» et «je t’aime». Comme je serais triste si un jour mes enfants ne m’appelaient plus papa!

Si mon père m’a engendré dans l’incarnation de la vie, le père Guy Simard, omv, m’a engendré dans la vie spirituelle. Patiemment, avec amour, il m’a accompagné dans mes premiers pas de disciple du Christ. Il m’a relevé quand je tombais, il m’a enseigné, il m’a grondé, il m’a soutenu. Quand j’appelle mon ami Guy «Père» ou que je signe un courriel «ton fils en Christ», je lui dis: «Merci» et «Je t’aime». On peut donc avoir plusieurs pères: notre Papa du Ciel, à qui nous devons la vie, notre papa terrestre, qu’il nous est permis d’appeler «papa» et nous pouvons avoir des pères d’adoption. Comme j’aimerais que les enfants d’Audrée m’appellent un jour papa! Non pas parce que je me pense meilleur ou au-dessus d’eux, ou encore que je veuille prendre la place de leur père biologique, mais parce que je les aime comme mes propres enfants! C’est de cette manière que les prêtres, célibataires, peuvent (et devraient) être des pères spirituels pour les personnes qui leur sont confiées. On peut engendrer des fils dans la foi.

L’unité dans la diversité

La fraternité ne signifie pas que tous doivent être pareils. Chaque enfant est unique aux yeux de ses parents et c’en est de même pour Dieu. L’égalité ne signifie pas que tous doivent recevoir la même part, mais chacun selon ses besoins. Dans notre monde d’aujourd’hui, certains croient qu’il faille abattre les distinctions afin que tous soient égaux. Mais le Seigneur nous enseigne une manière radicalement différente de récolter les honneurs. «Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.» (Mt 23, 11).

L’important, c’est le respect. Parfois, on respectera une personne qui ne porte aucun titre pour l’oeuvre qu’elle a accompli, ou les vertus qu’elle porte. D’autre fois, nous respecterons une personne pour le titre qu’elle porte, pour ce qu’elle représente. Que nous l’appelions «Monseigneur» ou «Monsieur l’évêque» ne change rien au respect que nous devons à un homme qui a été élu «successeur des apôtres». Lorsque nous disons croire «en la sainte Église catholique» (tel que nous le confessons dans le credo) et que nous disons «Monseigneur» à un évêque, ce n’est pas l’homme pécheur qui est devant nous que nous mettons sur un piédestal. C’est plutôt une manière de dire «Merci» et «Je t’aime» à Dieu et à son Église de nous avoir donné un père pour prendre soin de notre foi. Si un évêque venait à s’enorgueillir de son titre ou de s’en servir pour mettre une distance entre lui et ses brebis, ce sera à lui d’en répondre devant le Seigneur. Mais ne les jugeons pas avant d’avoir relu le témoignage de saint Paul:

Déjà, vous êtes rassasiés! déjà vous êtes devenus rois! Ah! que ne l’êtes-vous donc, rois, pour que nous partagions, nous aussi, votre royauté! Car Dieu, ce me semble, nous a, nous les apôtres, exhibés au dernier rang, comme des condamnés à mort ; oui, nous avons été livrés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous, nous, à cause du Christ ; nous sommes faibles, mais vous, vous êtes forts ; vous êtes à l’honneur, mais nous dans le mépris. Jusqu’à l’heure présente, nous avons faim, nous avons soif, nous sommes nus, maltraités, errants; nous nous épuisons à travailler de nos mains. On nous insulte et nous bénissons; on nous calomnie et nous consolons. Nous sommes devenus comme l’ordure du monde, jusqu’à présent l’universel rebut.

Bible de Jérusalem, 1 Co 4, 8-13.

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