« Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent. » (Lc. 16-13)

est-il péché d'avoir de l'argent?
Crédit image : Mathieu Binette / Midjourney ai

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« Mas en el servicio », « Plus dans le service », – sous-entendu dans le service de Dieu – voilà quelle est l’ambition de S. Ignace de Loyola. Il avait fait son choix : non pas le service de soi, mais le service de Dieu, selon la célèbre devise de son ordre : « Ad Majorem Dei Gloriam » (« Pour la plus grande Gloire de Dieu »).

Le service de soi

…dans la vie de saint Ignace de Loyola

Né en 1491 au château de Loyola, au Pays basque espagnol, benjamin d’une fratrie de treize enfants, il a seulement sept ans quand sa mère meurt. Son père lui donne  l’éducation du grand siècle espagnol : à quinze ans, Ignace devient page à la cour du roi d’Aragon, Ferdinand le Catholique,  puis secrétaire au service de Juan Velázquez de Cuéllar, trésorier général de la Reine de Castille, Isabelle la Catholique, pendant dix ans. Comme il le dit dans son autobiographie : Jusqu’à vingt-six ans, il s’adonne aux vanités du monde et principalement à l’exercice des armes.

En 1517, à vingt-six ans, Ignace entre dans l’armée du duc de Lara, vice-roi de Navarre. A trente ans, il participe au siège de Pampelune (Navarre). Une jambe blessée et l’autre brisée par un boulet de canon, il est ramené à son château. Durant sa convalescence, il lit des romans de chevalerie du temps, et faute de pâture, de nombreux livres de saints. Comparant l’effet intérieur que lui fait ces lectures, il constate que la lecture des romans de chevalerie le laisse insatisfait alors que celle de la vie des saints l’exalte et lui donne envie de les imiter. Ce discernement des esprits sera la base de ses Exercices spirituels qui, plus tard, seront approuvés par le Saint Siège.  Licencié en théologie en 1534, il a alors quarante-trois ans, des étudiants se regroupent autour de cette personnalité hors du commun. Prenant en compte les critiques reçues à Alcalà ou Salamanque sur ses pratiques trop extrêmes de pauvreté et de mortification, il oriente les efforts de tous vers les études et les exercices spirituels.

Ignace de Loyola, avec la plupart de ses compagnons, est ordonné prêtre à Venise le 24 juin 1537. En novembre 1538, le Pape Paul III, ordonne à Ignace et ses compagnons de travailler à Rome qui sera leur Jérusalem, lieu où ils avaient fait vœu de partir.  Dès lors, s’ébauche la Compagnie de Jésus ou ordre des jésuites. Il s’éteint le 31 juillet 1556 à Rome, à 64 ans, sa Société confirmée, et ses Constitutions rendues publiques. Sa compagnie avait déjà douze provinces, et cent collèges au moment de sa mort ! (Source : france-pittoresque.com)

…dans la vie de saint François d’Assise

« François, lequel vaut le mieux, servir le maître ou servir le serviteur ? »  (Maurice Zundel, conférence donnée à Londres, au centre Charles Péguy, le 16 février 1964).

Une voix intérieure interroge celui qui deviendra un des saints les plus vénérés de l’Eglise, saint François d’Assise. Né en 1181 et mort en 1226 à l’âge de 45 ans, il était, comme Ignace, « l’ambition fait homme ». Comme Ignace encore, il lisait des romans de chevalerie, rêvait de s’illustrer dans une bataille, et remplir le monde de sa gloire. Prisonnier de guerre à 20 ans, en 1202, il en sort au bout d’une année, grâce à l’argent de son père.  Revenu à Assise, malade, il reste l’ambitieux, n’hésitant pas à affirmer à ses compagnons : « Apprenez que je serai un jour vénéré dans tout l’univers ». En 1205, rêvant toujours d’acquérir le rang de la noblesse par des hauts faits d’armes, il s’apprête à rejoindre l’armée de Gautier III de Brienne.

De nouveau malade, il s’intériorise, prie à l’écart dans des chapelles et une grotte, jusqu’à une rencontre avec un lépreux. « Il quitte son cheval, s’approche du lépreux, dépose une pièce d’or dans sa main et la baise, cette main pleine de pus et de sang, et remonte à cheval paralysé par la Présence de Dieu, sûr qu’il vient de rencontrer Jésus-Christ. » (Maurice Zundel, ibid) Et peu à peu, le dépouillement de François s’accentue. En la fête de saint Mathias, le 24 février 1209, à l’âge de 28 ans, il comprend enfin le message de l’Évangile et se décide à épouser « Dame pauvreté ». En un siècle, ce fondateur a permis la fondation de plus de 1400 couvents et donné 35 000 religieux à l’Eglise.  (Wikipédia, Histoire des ordres franciscains).

…comment ?

Comment ceux qui ont voulu se servir par l’argent, les richesses, les honneurs, sont-ils devenus des pauvres au service de Dieu ? Voilà la question que pose la vie de saint Ignace, de saint François et de cet évangile. « Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent. » C’est l’un ou l’autre, dit le Seigneur.

L’argent au service de soi…

…un désordre 

L’argent, dit Aristote, est « une sorte de substitut du besoin ». (Ethique à Nicomaque, V, 8) Il n’est pas vraiment un besoin, comme de se nourrir, se vêtir, se loger, etc. Mais ce substitut puissant peut être, si on n’y prend pas garde :

  • Tout au service de soi, non seulement pour ses besoins légitimes, mais au service de nos « convoitises désordonnées » (S. Thomas, Somme I.II Q.2 a.1 rép.)
  • Considéré comme à soi. Or, dans sa réflexion sur l’encyclique « Centesimus Annus » saint Jean-Paul II cite Thomas d’Aquin en disant que : « L’homme ne doit pas tenir les choses extérieures (l’argent) pour privées, mais pour communes. »

…contraire au christianisme

En effet, le Chrétien ne s’appartient pas. Son corps même ne lui appartient pas : « Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes. » (1 Co. 6, 19)

…un vice et une témérité

Le patriarche des moines d’Occident, saint Benoît se fait simplement l’écho de cette doctrine évangélique. Pour lui :

  • L’instinct de propriété est un vice: « Avant tout, dit-il, il faut retrancher […] jusqu’à la racine ce vice de la propriété. » (Règle 33, 1)
  • S’approprier quelque chose est téméraire : « Que personne ne dise que quelque chose lui appartient, ni n’ait la témérité de se l’approprier. » (Règle 33,6)

L’argent au service des autres…

Est-ce là une doctrine évangélique ou réservée aux moines ? L’Evangile invite à :

  • Semer largement : « Qui sème chichement moissonnera chichement ; qui sème largement moissonnera largement. » (2 Co. 9, 6)
  • Semer avec confiance : « Celui qui fournit la semence au semeur et du pain pour sa nourriture, vous fournira la semence à vous aussi, et la multipliera… » (2 Co. 9, 10)
  • Imiter le Christ qui, de riche, s’est fait pauvre : « Notre Seigneur Jésus-Christ … pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’Il était. » (2 Co.8, 9)
  • Imiter le Christ qui ne retient rien. « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui L’égalait à Dieu mais Il s’est anéanti (vidé) Lui-même… » (Phil. 2, 6)

Concrètement, cela signifie chercher une occasion de :

  • Manifester le don de soi, comme S. Paul l’évoque à propos des offrandes des Eglises de Macédoine : « Au-delà même de nos espérances, ils se sont eux-mêmes donnés d’abord au Seigneur, et ensuite à nous, par la volonté de Dieu. » (2 Co. 8, 5)
  • Vérifier l’authenticité de notre amour. Paul évoque la générosité des Macédoniens à l’église de Jérusalem, pour exciter la générosité des Corinthiens. « Ce n’est pas un ordre que je donne, mais je parle de l’empressement des autres pour vérifier l’authenticité de votre charité. » (2 Co. 8, 8)
  • Exceller en générosité.« Nous vous faisons connaître, frères, la grâce que Dieu a faite aux fidèles des Eglises de Macédoine. Au milieu de beaucoup de tribulations qui les ont éprouvés, leur joie a été pleine, et leur profonde pauvreté a produit les abondantes largesses de leur simplicité.  Je l’atteste, ils ont donné volontairement selon leurs moyens, et même au-delà de leurs moyens, nous demandant avec de grandes instances la grâce de prendre part à ce ministère en faveur des saints. […] Faites en sorte d’exceller aussi dans cette œuvre de bienfaisance. »  (2 Co.8,1-3. 7)
  • Manifester sa vertu. « A cause de la vertu éprouvée que cette offrande montre en vous, [les saints de Jérusalem] glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession de l’Evangile du Christ, et de la simplicité avec laquelle vous faites part de vos dons à eux et à tous. » (2 Co. 9, 13)

L’argent….

 … fera-t-il trembler ?

Jean-Paul II, dans Centesimus Annus, rappelle l’avertissement de Léon XIII aux Chrétiens : « Les fortunés de ce monde sont avertis […] qu’ils doivent trembler devant les menaces inusitées que Jésus profère contre les riches ; qu’enfin il viendra un jour où ils devront rendre à Dieu, leur juge, un compte très rigoureux de l’usage qu’ils auront fait de leur fortune ».

…fait-il percevoir Dieu qui se donne ?

Plutôt que de trembler devant la puissance de l’argent, ne vaut-il pas mieux percevoir Dieu dans le service qu’il peut rendre ?  Sous le nom de Dame Pauvreté, saint François a compris que la première béatitude : « bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre », était la béatitude de Dieu qui se donne. (Maurice Zundel, ibidem)

 

Voulez-vous servir l’argent ou vous en servir pour faire l’expérience de la joie de Dieu qui se donne ?

Prions : « Merci, Seigneur, de nous permettre de Te toucher à travers nos dons. Amen. »

 

Oraison jaculatoire : « Je sème largement pour moissonner largement. »

 

Question : Avez-vous pratiqué une aumône cette semaine ? Laquelle ?

 

Suggestion : Aimer à donner.

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