Théologie morale au XIXe siècle : l’école de Tubingue et le renouveau thomiste

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Pendant qu’en France, l’école de Tubingue catholique combat le jansénisme avec une théologie morale davantage axée sur la liberté et la grâce, d’autre conçoivent une manière de renouveler le riche enseignement de saint Thomas d’Aquin afin de « former de bons confesseurs et en conséquence amener les fidèles à se bien confesser »[1]. Ayant bien accompli ces devoirs, les théologiens du renouveau thomiste disaient qu’ « on a déjà beaucoup fait pour que le peuple chrétien s’épanouisse dans la grâce ».  Que retenons-nous de cette époque et quelles leçons pouvons-nous en tirer pour la théologie morale d’aujourd’hui?

L’école de Tubingue

L’école de Tubingue présente la théologie morale comme le combat entre « la grâce qui commande la montée vers la lumière et les forces d’en-bas qui nous tirent vers les ténèbres du péché »[2]. Aujourd’hui, on parlerait d’une « théologie kérygmatique »[3] : l’homme se convertit en recevant la grâce d’une vie nouvelle donnée gratuitement par Dieu, puis se développe intégralement dans la liberté d’un enfant de Dieu. En approfondissant sa vie de piété et de foi, le chrétien inspirera la vie à d’autres. À Tubingue, on s’oppose fermement à une conception juridique de la morale. Bien sûr, la morale objective existe, mais il faut davantage la présenter comme une série de conseils que le chrétien avisé saura recevoir toujours plus librement à mesure qu’il approfondit sa communion avec Dieu. L’idéal chrétien, c’est la liberté dans l’amour[4].

Néothomisme

La raison naturelle doit être au service de la morale chrétienne, et il nous faut faire un effort pour agir avec vertu. Certes, la charité est le principe formel de la théologie morale, mais elle est plutôt perçue comme un devoir pour celui qui veut obtenir la vie éternelle, qu’une réponse amoureuse au don gratuit de Dieu. Conserver la grâce sanctifiante reçue et progresser en elle jusqu’à la mort, voilà un résumé de la théologie morale allemande de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle issue du renouveau thomiste. Ailleurs, le mouvement thomiste renouvelé proteste contre la trop grande séparation entre le dogme et la morale[5], et on tente de rapprocher la théologie morale à la théologie pastorale en insistant sur les vertus théologales que sont l’espérance et la foi, mais bien plus encore la charité. On conserve, dans ce mouvement, le schéma de saint Thomas d’Aquin, mais on rafraîchit son contenu par un style plus proche de la prédication ou par une analyse casuistique actualisée. Enfin, un véritable renouveau du système dialectique du docteur angélique se fait sentir dans le domaine de la philosophie, notamment dans des œuvres qui relatent la démarche de ce dernier et qui le mettent en exergue face à d’autres philosophes du dix-neuvième siècle et du début du vingtième.

Conclusion

« La morale de la charité chrétienne, la morale du Sermon sur la Montagne doit être présentée en toute clarté comme obligatoire pour tout chrétien »[6]. Il faut garder la théologie morale en unité avec les autres disciplines de la théologie et éviter à tout prix de les opposer entre elles. Conserver un attachement, certes à saint Thomas d’Aquin en ce qui a trait à une méthodologie systématique, mais aussi aux Pères de l’Église qui ont su rattacher le comportement éthique aux Écritures, est un sentier sûr pour les théologiens d’aujourd’hui. L’éthique de la Révélation prend son sens lorsqu’elle trouve sa source dans la grâce, la charité, la vie dans le Christ et les sacrements[7]. Elle doit toujours garder comme principe la réponse amoureuse de l’humain à ce don gratuit de Dieu qu’est la grâce d’une vie renouvelée par la passion, la mort et la résurrection du Christ Jésus.

 

 

Références

BOUYER, Louis. Dictionnaire théologique. Paris: Desclée, 1990.

HÄRING, Bernhard. La loi du Christ. Théologie morale à l’intention des prêtres et des laïcs. Tome I. Paris: Desclée de Brouwer, 1956.

Wikipédia. Probabilisme. 26 novembre 2016. 11 octobre 2018. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Probabilisme>.

 

 

[1] HÄRING, Bernhard. La loi du Christ. Théologie morale à l’intention des prêtres et des laïcs. Tome I. Paris, Desclée de Brouwer, 1956, p.58

[2] Ibid., p. 52

[3] Ibid, p. 50.

[4] Ibid., p. 51.

[5] Ibid., p. 56.

[6] Ibid. p. 59

[7] Ibid., p. 60

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