Le Père René Latourelle, jésuite, est décédé jeudi dernier, le 16 novembre 2017, à l’âge de 99 ans. Il est un des théologiens canadiens les plus respectés dans le monde entier. Il a écrit de nombreux ouvrages qui sont une référence aux quatres coins du globe. À tous ceux qui l’ont connu et aimé, je désire offrir mes plus sincères condoléances. En guise d’hommage, j’ai pensé transcrire ce magnifique texte de sa main, paru en introduction de l’article sur la « Révélation », dans le Dictionnaire de théologie fondamentale, Éditions Bellarmin, Montréal, 1992.
Dans le contexte de la pensée contemporaine, le thème de la révélation est au carrefour de toutes les questions et de toutes les contestations. L’homme occidental, en effet, conteste la présentation du christianisme qui se présente comme LA révélation absolue. D’autre part, le judaïsme, l’islam et l’hindouisme émettent la même prétention. L’homme postchrétien, surtout occidental, athée ou indifférent, déçu, amer ou révolté, qui vient d’une civilisation façonnée par le christianisme mais devenue exsangue et incapable d’engendrer autre chose que le vide et le non-sens, ne voit plus ce que le christianisme pourrait encore lui apporter, d’autant moins qu’il est d’une ignorance abyssale.
Une crise de cette dimension ne saurait être surmontée par des palliatifs, mais par une redécouverte de cette intervention bouleversante, inouïe de Dieu dans la chair et le langage du Christ. Au temps de l’empire romain, le christianisme a dû affronter le paganisme; cette fois, il doit renouer avec le Christ. Le premier venait au Christ; le second doit se convertir et y revenir. Comme on l’a dit au Synode de 1985 et dans l’exhortation Christifideles laici, l’homme occidental a besoin d’une « seconde évangélisation ».
Effectivement, le christianisme a quelque chose à dire à l’homme d’aujourd’hui, en particulier à l’homme d’Occident, et ce quelque chose est décisif. S’il n’était pas en mesure de le dire, aucune puissance sur terre, aucune idéologie, aucune religion ne serait en mesure de le supplanter. Le Christ, étant la théophanie suprême, le Dieu révélant et le Dieu révélé, « l’Universel concret », occupe une position unique qui distingue le christianisme de toutes les religions qui se disent révélées et qui le contestent dans sa prétention centrale. Il est la seule religion dont la révélation s’incarne dans une personne qui se présente comme la vérité vivante et absolue, recueillant et unifiant en elle tous les aspects de la vérité qui jalonnent l’histoire de l’humanité: transcendance de la vérité qui caractérise les courants platoniciens, historicité de la vérité qui caractérise la pensée moderne et contemporaine, intériorité de la vérité mise en lumière par les formes diverses de l’existentialisme. Le Christ n’est pas un simple fondateur de religion: il est à la fois immanent à l’histoire des homes et le transcendant absolu. Aussi est-il le seul médiateur de sens, le seul exégète de l’homme et de ses problèmes.
Aider l’homme contemporain à redécouvrir dans toute sa fraîcheur cette réalité première du christianisme qu’est la révélation, à en saisir la spécificité, n’est pas affaire de libre choix pour une théologie qui se veut à la fois contextuelle et systématique, mais nécessité de nature.